Le harcèlement sexuel est une forme de violence qui porte atteinte à l’intégrité d’une personne. En Suisse, malgré un cadre légal clair, certaines entreprises continuent de proposer la médiation en réponse à des signalements de harcèlement sexuel. Cette approche est non seulement inappropriée, mais aussi risquée. Dans cet article, nous expliquons pourquoi la médiation ne devrait jamais remplacer une enquête, des sanctions et des mesures de protection. Nous illustrons ces enjeux à travers un cas concret récemment soutenu par Surgir. 

Harcèlement sexuel au travail en Suisse : un phénomène préoccupant 

D'après une enquête du SECO (2022 et 2024) :  

  • 1 femme sur 5 a déjà été victime de harcèlement sexuel au travail. 
  • 70 % des victimes ne signalent pas les incidents. 
  • Dans 60 % des cas, l'auteur est un collègue ou un supérieur. Dans la grande majorité des cas, l’agresseur est un homme.  
  • 30 % des victimes ayant signalé les faits subissent des représailles. 

Pour les victimes, le harcèlement sexuel n’est jamais un malentendu : c’est une violence aux conséquences durables. Le harcèlement ne constitue pas un conflit entre collègues mais des violences ancrées dans des rapports de pouvoir.  

Un cadre légal clair en Suisse 

La Loi sur l’égalité définit le harcèlement sexuel comme tout comportement à caractère sexuel ou fondé sur l’appartenance de genre qui n’est pas souhaité par une personne et qui porte atteinte à sa dignité. Le harcèlement couvre le harcèlement sexiste ainsi que le harcèlement fondé sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre et l’expression de genre. 

L’élément déterminant est le ressenti de la personne qui en est la cible et non pas l’intention de celle qui l’exerce. Un seul agissement suffit, la récurrence n'est pas nécessaire pour qu'il soit qualifié. 

Les comportements qualifiés de harcèlement sexuel incluent entre autres :  

  • Des propos sexualisés 
  • Des remarques obscènes 
  • Des gestes déplacés 
  • L'envoi ou le visionnage imposé de contenus pornographiques 
  • Des sollicitations sexuelles non désirées 

Les entreprises ont l'obligation légale de protéger leur personnel et de prendre des mesures immédiates et efficaces en cas de signalement.  

La médiation ne peut ni remplacer ni retarder ces obligations. 

Pourquoi la médiation pose problème en cas de harcèlement sexuel 

Il ne s'agit pas d'un conflit, mais d'une infraction.  
Le harcèlement sexuel peut constituer une infraction pénale (art. 198 CP). La médiation intervient lors d’un différend entre égaux, ce qui n'est pas le cas ici.  

La médiation suppose une égalité qui n'existe pas.  
Les cas de harcèlement sexuel s'inscrivent dans des rapports de domination, où la victime est souvent fragilisée, isolée, et craint des représailles. 

La médiation envoie un message dangereux.  
Des phrases comme « trouver un compromis » ou « tourner la page » minimisent la gravité des faits et mettent une pression supplémentaire sur la victime. La médiation envoie le meassage aux victimes qu’elles sont autant responsables que les auteurs des violences qui leur sont infligées.  

L'entreprise recherche souvent un apaisement, alors qu'elle devrait se concentrer sur la vérité, la sécurité et la justice.  

Un exemple concret soutenu par Surgir 

Surgir accompagne actuellement une collaboratrice d'une grande entreprise à prédominance masculine. Pendant plusieurs années, elle a subi :  

  • Remarques sexualisées quotidiennes 
  • Commentaires sur son corps 
  • Propos humiliants 
  • Visionnage de vidéos pornographiques en sa présence 
  • Sollicitations sexuelles insistantes 

Après avoir signalé les faits à ses supérieurs, aucune action n'a été entreprise. Une autre femme a également dénoncé des faits de harcèlement sexuels impliquant les mêmes personnes. L’une après l’autres, elles ont contacté les RH, qui ont proposé une médiation. 

 L'objectif annoncé ? « Qu'ils et elles puissent se serrer la main et passer à autre chose. » 

 
Lorsque les personnes victimes ont exprimé leur refus légitime, le médiateur contracté par l’entreprise, a tenté de convaincre l'une d'elles en disant : « Ce n’est pas du harcèlement sexuel puisqu’il n’y a pas eu de contact physique. »  
Cela témoigne d'une grave méconnaissance de la loi suisse et inflige une violence supplémentaire à la victime. En effet, les médiateurs et médiatrices ne sont pas toujours formé·e·s à la gestion des cas de harcèlement sexuel. Ici le médiateur aurait dû avertir l’entreprise que la médiation n’était pas l’outil adapté dans cette situation.   

Finalement, lors d'une séance de "retour de médiation", la direction a demandé à toutes les parties de signer (auteurs présumés et victimes) un engagement identique de « comportement éthique », sans reconnaître les faits ni appliquer de sanctions.  
Ce type de pratique constitue une faille manifeste dans la protection des victimes. 

Ce que les entreprises doivent faire 

Lorsqu'un signalement de harcèlement sexuel est effectué, les entreprises doivent : 

✔ Mener immédiatement une enquête interne indépendante  
✔ Écarter provisoirement l’auteur présumé  
✔ Garantir l’absence de représailles  
✔ Appliquer des mesures disciplinaires appropriées  
✔ Offrir un accompagnement spécialisé à la victime 

La médiation ne doit jamais être utilisée lorsque des faits graves sont allégués, ni lorsque la victime se sent vulnérable ou s’y oppose. 

La position de Surgir 

Surgir recommande fortement aux victimes de harcèlement sexuel de refuser toute proposition de médiation dans ce contexte. Nous rappelons aux employeurs que : la protection des employés ne se délègue pas et que la médiation ne remplace pas leurs obligations légales. 

Notre mission : soutenir, informer, former, protéger — et défendre le droit de chacun·e  à un environnement de travail sûr et digne. 

Besoin d’aide ou de conseils ? 

Surgir accompagne les victimes et les employeurs dans la gestion des violences sexistes et sexuelles au travail, dans un cadre confidentiel et sécurisé.  
Contact : vss@surgir.ch  
www.surgir.ch